Dès août 1914, une
censure sévère avait été mise en place : quasiment tous les
journaux l'ont subie à un moment ou un autre. L'Humanité,
ralliée à l'Union sacrée, ne fut pas extrêmement censurée même
si le total des interventions de la censure sur la durée de la
guerre est significatif1.
C'est par la suite, avec
l'apparition d'organes nationaux d'inspiration pacifiste – à
partir de 1916 –, que des socialistes et des libertaires eurent à
subir le plus durement la censure.
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L'Humanité du 2 août 1914. |
Il n'y eut pas que les
journaux qui furent censurés : les réunions publiques étaient
interdites (même des réunions « privées » subirent le
même sort), des tracts étaient interdits et saisis, et les
correspondances surveillées. Même des cartes postales anodines
étaient considérées comme de la « propagande pacifiste »,
et en conséquence interdites.
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Carte postale interdite en 1915 comme « propagande pacifiste ». |
L’apparition en 1916 de
la revue hebdomadaire Le Populaire marque une date importante
quant à la situation des socialistes face à la censure pendant la
Première Guerre mondiale. D'orientation « pacifiste modérée »,
Le Populaire fut largement censuré – même s'il ne
représentait pas l'aile la plus radicale des socialistes pacifistes,
qui animaient pour leur part le Comité pour la reprise des relations
internationales (CRRI, partisan de la Conférence de Zimmerwald) avec des syndicalistes et des libertaires.
Le CRRI ne disposait pas
d'une presse, bien que le projet ait été plusieurs fois envisagé.
Mais ses brochures et tracts, diffusés sans autorisation, étaient
régulièrement saisis.
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Conclusion d'un tract du Comité pour la reprise des relations internationales (printemps 1917). |
La censure ne disparut
pas après l'armistice du 11 novembre 1918. Le Parti socialiste SFIO
avait changé de direction en octobre 1918, les pacifistes ayant
emporté la majorité lors du congrès. Dès lors les pacifistes
dirigeaient l'organisation, et la censure continua de s'exercer
contre eux pendant une année.
Après plus de quatre
années d'une censure de guerre rigoureuse, cette censure politique
limitait l'information des militants et sympathisants socialistes,
par exemple sur les mouvements révolutionnaires en cours en Europe.
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Le Populaire
censuré en décembre 1918 : le programme de la Ligue Spartacus (révolutionnaires d'Allemagne) est intégralement « blanchi ». |
La censure de 1914 à
1919 a été diversement subie par les socialistes, en fonction de
leur attitude face à la guerre et à l'Union sacrée. Elle a en tout
cas été un fait marquant de la situation politique et sociale de
cette période2.
1 Cf
Alexandre Courban, « L’Humanité dans la mêlée (1914-1918) », Cahiers d'histoire. Revue
d'histoire critique, 92 | 2003.
2 Claude
Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et Fernand Terrou (dir.),
Histoire générale de la presse française, tome III : de 1871 à
1940, PUF, 1972
; Maurice Rajsfus, La
Censure militaire et policière (1914-1918),
Le Cherche Midi, 1999, etc.
Certains aspects rapidement esquissés ici
seront développés dans ma biographie politique de Fernand Loriot.
Voir aussi : « La continuation de la censure après l'armistice de 1918 », Retronews, 6 novembre 2018, et « Quelques éléments sur la 6e section SFIO du département de la Seine, 1909-1916 », Cahiers Jaurès n° 225, juillet-septembre 2017.
Voir aussi : « La continuation de la censure après l'armistice de 1918 », Retronews, 6 novembre 2018, et « Quelques éléments sur la 6e section SFIO du département de la Seine, 1909-1916 », Cahiers Jaurès n° 225, juillet-septembre 2017.